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Comment éviter des dépassements de coûts de 796 % pour un projet de construction?

En 1970, le Comité international olympique annonce que Montréal sera l’hôte des Jeux de la XXIe olympiade. Le maire Jean Drapeau est fier. Gagnante devant Moscou et Los Angeles, Montréal devient la première ville canadienne à accueillir les Jeux.

À combien le dépassement de coûts est-il estimé pour les JO de Montréal?

796 %[1]

Le plus grand dépassement de coûts jamais observé dans l’histoire des Jeux olympiques.

Quelle a été l’erreur de M. Drapeau?

Les travaux d’excavation des installations olympiques débutent au printemps de 1973. C’est alors que le maire Drapeau prononce cette phrase aujourd’hui célèbre :

« Il est aussi impossible pour les Jeux olympiques de Montréal de produire un déficit que pour un homme de devenir enceint(e). »

Jean Drapeau, maire de Montréal, 1973

Cette citation de M. Drapeau est une vraie perle pour tout spécialiste de gestion de risques. Elle illustre en quelques mots une des plus grandes menaces qui guettent les projets de construction : la subjectivité.

Le risque : une notion subjective

Il est facile d’ignorer un risque si vous n’évaluez pas correctement son importance.

Vous pouvez considérer qu’il est risqué de faire du saut en parachute, alors qu’il existe de nombreux adeptes de ce sport.

Dans un projet de construction, vous pouvez investir beaucoup d’efforts à limiter un certain type de risques, pour vous rendre compte finalement que vous faites fausse route. Comme le bon maire Drapeau.

Comment évaluer correctement les risques d’un projet de construction?

La gestion des risques fait peur à bon nombre de personnes. De l’extérieur, ce processus semble long et fastidieux.

Toutefois, la réalisation de la gestion de risques d’un projet de construction est en fait très simple. C’est une démarche systématique qui consiste à identifier les risques qui peuvent survenir, à les évaluer, à choisir et mettre en place des mesures pour s’en protéger.

Vous craignez de perdre votre temps? L’objectif d’une bonne gestion de risques est justement de limiter les pertes de temps, de ressources et d’argent.

Dans un projet de construction, l’incertitude peut représenter un facteur de stress majeur pour le gestionnaire de projet.

La gestion de risques est le meilleur outil pour comprendre, évaluer et gérer l’incertitude que comporte tout projet de construction.

Vous n’aimez pas l’incertitude? Alors vous allez adorer la gestion de risques.

Voici les cinq étapes qui vous aideront à réaliser une bonne gestion de risques pour votre projet de construction.

Étape 1 – Qui peut identifier les risques d’un projet de construction?

Vous, ainsi que vos collaborateurs, êtes les véritables experts en risques de votre projet.

Donc, la première étape de la gestion de risques pour un projet de construction consiste à réunir autour d’une table toutes les parties prenantes du projet.

La formule gagnante revient souvent à former une équipe multidisciplinaire des principales parties prenantes au projet (équipe de gestion de projet, membres de la direction, des opérations et de l’entretien, des concepteurs, des utilisateurs et des professionnels).

Comme mentionné précédemment, la notion de risques peut être perçue de différentes manières. Ainsi, un éventail d’intervenants permet de produire une analyse de risques multidimensionnelle. Un spécialiste de la gestion de projet pourra guider ce comité dans l’analyse des risques, mais ce sont eux-mêmes qui les identifient.

L’idéal est de réunir un groupe d’une dizaine de personnes qui se rencontreront à intervalles réguliers tout au long du projet.

Étape 2 – Comment bien évaluer les risques?

Une bonne gestion des risques commence par une identification détaillée des risques liés aux coûts, aux échéances, à la sécurité, etc.

Si les risques pour tous les projets de construction étaient les mêmes, il y aurait peu de travail à effectuer pour les gestionnaires de risques.

Bien qu’il soit facile de lancer le processus d’identification avec des listes génériques, procéder de cette façon est plutôt risqué (sans vouloir faire de jeux de mots).

Chaque projet est unique et c’est pourquoi l’identification des risques doit être faite par les acteurs qui y participent.

Lorsque je mène un atelier d’identification des risques, plutôt que de parler de risques, je pose cette question :

Qu’est-ce qui vous inquiète?

Si les risques sont abstraits, les inquiétudes sont quant à elles bien réelles.

Par exemple, lors du projet de l’École de cirque de Québec, nous avons rapidement pris connaissance des inquiétudes de notre client face au financement. La subvention obtenue risquait de ne pas pouvoir couvrir tous les travaux prévus.

Selon les délais imposés et le retard accumulé, certains frais ne pourraient être remboursés. Nous avons donc identifié des travaux pouvant être exclus du projet pour éviter de mettre financièrement en danger l’OSBL qui gérait le projet.

Étape 3 – Qualifiez les risques lorsque les opinions divergent

L’étape de qualification des risques (évaluation de la probabilité et de l’impact) ainsi que de leur quantification (évaluation en valeur monétaire) est, sans aucun doute, celle qui divise le plus les membres du comité.

L’expertise, l’expérience et la perspective des intervenants sont déterminantes puisque chacun aura tendance à qualifier les risques en fonction de ses connaissances et de sa tolérance aux risques.

Avant l’étape de la qualification, j’amène les équipes avec qui je travaille à s’interroger sur les critères de performance du projet et sur ses objectifs. Il y a la qualité et l’échéancier, mais aussi la perte de revenu, la perte de clientèle, la valeur patrimoniale, etc.

Par exemple, lors de la gestion des risques effectuée pour le Monastère des Augustines, nous avons fait face à un critère hors du commun : la conservation de découvertes archéologiques majeures.

Bien qu’il s’agisse de quelque chose de positif, de telles découvertes peuvent avoir un impact significatif sur les délais. C’est pourquoi nous avons fait appel à un archéologue qui a examiné plusieurs mois à l’avance les différents lieux.

Deux vestiges majeurs ont d’ailleurs été découverts. L’identification et la qualification des risques effectuées en amont ont permis de gérer correctement ces découvertes en limitant les délais sur le projet.

Différentes méthodes existent pour éviter la division du comité, comme d’évaluer les risques de manière individuelle et anonyme, avant de tenir une rencontre en atelier.

Le but de cette étape est de comprendre l’opinion de chacun afin d’enrichir la démarche et de développer une perception commune des risques qui pourraient menacer l’atteinte des objectifs du projet.

Étape 4 – Élaborer un plan de gestion de risques efficace

Une perception erronée de la gestion de risques est de croire qu’il faut arriver à maîtriser et à contrôler tous les risques. En fait, une bonne gestion des risques vous permettra plutôt le contraire.

Si un risque préalablement identifié a peu d’impact sur le projet (en temps, coûts ou autre), il n’est pas nécessaire d’y consacrer du temps et des ressources.

La quatrième étape du processus vise à élaborer un plan d’action pour chaque risque, selon l’importance que le comité de gestion des risques lui attribue, en fonction de la probabilité qu’il se produise et des impacts anticipés.

Ainsi, des mesures seront concrètement prises pour certains des risques seulement. Chaque fois, la question à se poser sera : Faut-il l’éliminer, l’atténuer, le transférer ou le partager?

Oui, il est possible de transférer un risque. Par exemple, lors du projet du Monastère des Augustines, notre cliente responsable du projet avait peu d’expérience avec la gestion des fournisseurs impliqués lors d’un chantier de construction majeur. Le seul choix du type de contrat de construction qu’il a fallu signer comporte plusieurs risques, incluant des risques d’accident et de santé-sécurité. La stratégie choisie a été de transférer ces risques à un entrepreneur-gérant qui a pris l’engagement de signer les contrats avec les différents sous-traitants, et la responsabilité de toute la maîtrise d’œuvre au chantier.

Une fois le plan de gestion des risques complété, tout est prêt pour documenter l’ensemble des processus utilisés, les mesures mises en place et les résultats obtenus.

Étape 5 – Comment s’assurer que le suivi des risques est assuré du début à la fin?

Vous l’aurez compris, la maîtrise et le contrôle des risques ne se règlent pas en une seule réunion. Ce sont des activités qui doivent être réalisées en continu et de manière rigoureuse jusqu’à la clôture du projet.

Pour vous faciliter la tâche, prévoyez des points de contrôle réguliers qui seront effectués par les membres du comité mis en place.

Chacun aura sa part de responsabilité pour :

  •       assurer que les mesures de mitigation soient mises en place et actives;
  •       mobiliser les membres du comité afin qu’ils demeurent constamment vigilants;
  •       détecter les nouveaux risques qui pourraient se présenter en cours de projet;
  •       déceler l’ampleur croissante de certains risques.

Conclusion

Si vous avez des inquiétudes face à la réalisation de votre projet de construction, c’est une bonne chose! Cela signifie que vous êtes conscient des imprévus qui pourraient menacer ou retarder la réalisation de votre projet.

Ignorer, ou choisir de ne pas gérer les risques d’un projet le rend forcément plus « risqué ». Plus rapidement vous considérez les risques, plus les chances de réduire leurs impacts sont élevées.

Évitez donc des imprévus tels que ceux rencontrés par le bon maire Drapeau. Faites un premier pas en convoquant la première réunion de votre comité de gestion des risques sans plus tarder. Cela vous vaudra bien des médailles d’or!

Vous avez des questions sur cet article? Laissez-moi un commentaire, j’y répondrai avec plaisir.

La réalisation de votre projet de construction vous empêche de dormir? Contactez notre conseiller-expert indépendant en gestion de risques, Arnaud Rogiez.

 

[1]http://affaires.lapresse.ca/economie/international/201207/27/01-4560147-jo-montreal-record-des-depassements-de-couts.php

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