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Différends dans les projets de construction : se préparer pour limiter les impacts

Les différends dans les projets de construction sont presque impossibles à éviter. Ainsi, même si les plans et devis sont bien préparés, des imprévus en cours de chantier peuvent nécessiter que des modifications soient apportées à l’ouvrage et engendrer des mésententes. La principale question à se poser n’est donc pas de savoir si des différends se produiront.  Mais plutôt, de bien s’y préparer pour savoir comment les gérer et en limiter les impacts.

Des erreurs sont susceptibles d’être commises lors du traitement d’un différend. En prenant conscience des faux pas, il est plus facile d’en tirer des leçons, dans une perspective d’amélioration continue.

Qu’est-ce qu’un différend?

Un différend se définit comme un désaccord résultant d’une divergence d’opinions entre les personnes[1]. Il importe de ne pas le prendre à la légère. S’il n’est pas correctement et sérieusement pris en compte, il peut rapidement se transformer en litige et donner lieu à une contestation judiciarisée.

Un procès peut être coûteux, énergivore et dommageable d’un point de vue relationnel. Il est donc préférable de considérer diverses options pour l’éviter.

La mise en place de mesures préventives : une bonne pratique pour une gestion de projets et de contrats efficiente

Il est avantageux d’instaurer des mesures préventives avec des lignes directrices sur le traitement des différends. Voir notre article « Comment gérer les différends en construction et éviter les litiges? » qui expose plusieurs exemples de semblables mesures. Notamment, le fait d’identifier en amont les risques entourant la réalisation d’un projet et les éléments de mitigation visant à les réduire (ex. : réalisation d’une étude de constructibilité).

Une prévention adéquate permet de minimiser les impacts négatifs que les différends peuvent avoir sur l’avancement du projet et la relation entre les parties.

D’un point de vue légal, chacune des parties prenantes à un contrat doit bien en comprendre le contenu et connaître les droits et les obligations qui y sont stipulés. Les plans et devis, de même que le langage employé dans le contrat, doivent être clairs pour éviter les ambiguïtés et les différends d’origine interprétative. De plus, les dispositions du contrat doivent donner lieu à une négociation équitable, de part et d’autre, pour éviter qu’une partie ne se sente lésée.

Le processus de gestion des différends dans les projets de construction

Le processus de gestion des différends est une démarche qui peut être réalisée par étapes.

En premier lieu, il faut procéder à la collecte des informations pertinentes pour suivre l’état d’avancement d’un projet et sa progression sur le chantier.

En second lieu, il faut traiter rapidement ces informations, de même que les potentiels éléments irritants et susceptibles de générer un désaccord entre les parties. Il est important d’analyser et de comprendre les demandes et perspectives présentées de part et d’autre. Il faut également se pencher sur les conséquences anticipées si le différend n’est pas résolu. La gravité de certaines conséquences peut justifier la priorisation du traitement de certains différends.

Lorsque les étapes ci-dessus sont réalisées en amont, le processus de dialogue et de règlement des différends n’en sera que plus efficace.

Savoir dialoguer de manière constructive

Le traitement d’un différend se fait graduellement et suppose le développement de capacités d’écoute mutuelle avant de s’inscrire en mode « solution ».

Les aptitudes en communication et, plus particulièrement, le fait de savoir dialoguer sont également cruciaux dans la gestion efficace des différends. Dialoguer sous-tend un échange mutuel, en confrontant, dans le respect, les divers points de vue en présence.

Cela s’illustre d’abord en fournissant un effort afin de comprendre la problématique à laquelle notre interlocuteur fait face. Ensuite, il faut exprimer ses besoins de manière concordante avec le style de négociation préconisé. Une approche de négociation situationnelle ou contextuelle sera ainsi privilégiée.

Sommairement, voici les cinq façons d’aborder un différend et les styles de négociation qui leur sont associés :

  • Résolution de problèmes : La méthode collaborative, qui consiste à trouver des solutions qui, idéalement, seront à la satisfaction de chaque partie, en s’attaquant aux causes du problème.
  • Accommodement: Si la satisfaction des objectifs de l’autre partie est prépondérante, à votre avis, vous cédez à la demande d’autrui.
  • Domination/affrontement: Faire usage d’autorité pour que l’autre accepte la solution que vous privilégiez. En ce cas, vous vous opposez activement à la volonté de la partie adverse pour favoriser votre point de vue.
  • Compromis: Les parties peuvent aussi tenter de trouver une solution de compromis de manière que chacune obtienne une satisfaction partielle de ses besoins.
  • Évitement: L’évitement des différends limite la divergence entre les parties et ne s’inscrit alors pas dans une réelle démarche de résolution.

La résolution de problèmes et le compromis sont les postures montrant les résultats les plus probants.

Une négociation adéquatement menée entraînera la résolution du différend. Elle servira également à la préservation d’une saine relation entre les parties. Cela réduit l’escalade possible du différend et le risque de conséquences négatives.

Les parties, à travers leurs communications en vue d’une résolution, apprennent à mieux se comprendre et à collaborer, ce qui est bénéfique pour le cas où un autre différend survenait entre elles.

À l’inverse, un point de rupture est franchi lorsque les parties ne sont pas en mesure d’entretenir un dialogue constructif afin de régler les problèmes qu’elles rencontrent. Tel peut être le cas lorsqu’une partie doit composer avec plusieurs éléments d’incertitude quant à ce qui est attendu de sa part en matière de livrables. L’ambiguïté engendrée peut être source d’angoisse et de potentiels différends.

Les approches alternatives de résolution des différends

Entre la négociation et le procès, il existe tout un éventail de modes de résolution des différends. Pensons notamment à la médiation, à la possibilité de demander la tenue d’une conférence de règlement à l’amiable (CRA) lorsque le dossier est judiciarisé, mais que le procès n’a pas encore eu lieu, et à l’arbitrage.

Comme la négociation, la médiation permet aux parties de conserver un certain contrôle quant à l’issue du différend qui les oppose et d’espérer résoudre celui-ci plus rapidement. En contrepartie, l’arbitrage et le procès, souvent plus longs et fastidieux, font reposer la décision visant à trancher le litige entre les mains d’un tiers.

En plus des médiateurs et négociateurs, plusieurs intervenants peuvent appuyer une démarche alternative de règlement des différends. Un administrateur de contrat indépendant, par exemple, peut agir à titre de conseiller impartial afin d’aiguiller les parties dans la résolution de leur différend.

La formation d’un conseil d’examen des différends pourra également être une option à envisager. Celui-ci peut se prononcer quant à l’issue d’un différend lorsqu’il semble y avoir impasse entre les parties.

Au Québec, la législation[2] propose également, dans le cadre de certains projets, la nomination par les parties d’un intervenant-expert. Ce dernier, de façon ponctuelle, est mandaté pour se prononcer sur un différend, dans une tentative ultime visant à régler celui-ci avant qu’il ne soit soumis à un arbitre ou à un tribunal. D’ailleurs, un modèle de formulaire de confirmation du mandat d’un tel intervenant est accessible sur Internet[3].

Sous un angle innovateur et encore peu exploré, la conclusion d’un contrat d’alliance peut être une alternative intéressante. Ce contrat, axé notamment sur une répartition équitable des rôles et responsabilités et sur l’établissement de cibles communes.

Il s’inscrit dans la volonté de proposer un partage des risques et de concilier les intérêts des parties. Tout en proposant des mécanismes de traitement des différends contractuels, il a pour objectif d’en limiter la survenance.

Précisons que lorsque plusieurs différends dans les projets de construction opposent les parties et ne se règlent qu’après la tenue d’un procès, ces différends altèrent inévitablement la relation entre les parties. Le non-règlement de ceux-ci en temps réel peut causer des répercussions sur le déroulement du projet. Ceci a créé un effet pernicieux (cercle vicieux) difficile à redresser.

Conclusion

En résumé, consacrer du temps à la planification adéquate des projets, faire usage de termes contractuels clairs et prévoir le déploiement de mécanismes de traitement des différends dans les projets de construction sont autant d’initiatives à privilégier. Le fait que les représentants des parties possèdent des habiletés de communication et de dialogue favorisera aussi la résolution efficace de leur différend.

Enfin, des solutions autres que la négociation offrent une flexibilité aux parties, qui peuvent convenir d’un mode de règlement des différends plus créatif et personnalisé en fonction de leurs attentes.

Communiquer adéquatement est la règle d’or pour espérer une gestion efficace des différends dans les projets de construction. L’objectif demeure que les parties en viennent à un règlement leur permettant de poursuivre le projet, en réalisant les livrables sur lesquels elles se sont entendues et en respectant les échéanciers ainsi que les budgets alloués.

STRATEGIA Conseil se positionne en tant que partenaire stratégique dans le traitement des différends. En étant en relation avec les principaux acteurs qui travaillent dans le domaine de la construction, notre expertise nous permet d’intervenir de façon indépendante et efficace pour faciliter le règlement des différends sur les chantiers.

[1] Larousse, https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/diff%C3%A9rend/25441#:~:text=accord%20%2D%20entente%20%2D%20harmonie-,diff%C3%A9rend%20n.m.,int%C3%A9r%C3%AAt%2C%20etc.%20%3B%20d%C3%A9m%C3%AAl%C3%A9.

[2] Voir notamment le Projet pilote visant à faciliter le paiement aux entreprises parties à des contrats publics de travaux de construction ainsi qu’aux sous-contrats publics qui y sont liés, C-65.1, r. 8.01. https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/C-65.1,%20r.%208.01%20/

[3]https://view.officeapps.live.com/op/view.aspx?src=https%3A%2F%2Fwww.tresor.gouv.qc.ca%2Ffileadmin%2FPDF%2Ffaire_affaire_avec_etat%2Fmarches_publics%2Fconfirmation_mandat_intervenant_expert.docx&wdOrigin=BROWSELINK

 

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