Blogue

Comment améliorer la performance de votre prochain arrêt planifié des opérations ?

Raffinerie Valero

Vous prévoyez le déploiement d’un programme majeur d’entretien de vos actifs ou le remplacement d’équipements majeurs ?

Un arrêt planifié des opérations sera peut-être nécessaire pour entretenir, inspecter, remplacer ou moderniser un équipement, ou encore pour raccorder de nouvelles installations.

Si vous avez déjà réalisé un arrêt majeur de vos opérations, il est fort probable que ce projet ne se soit pas déroulé exactement comme prévu.

40 % des arrêts des opérations résultent en des dépassements de coûts ou de temps de plus de 30 %.

Ces dépassements de coûts peuvent être en partie imputables à la complexité de tels projets.

L’arrêt des opérations dans le secteur industriel est l’un des projets les plus complexes à gérer. Des milliers de personnes sont impliquées sur une période pouvant atteindre une durée d’un, deux, voire trois ans, sans compter le temps alloué à la planification stratégique.

L’enjeu financier et les pertes de revenus que représente l’arrêt des opérations pendant plusieurs semaines effectuent également une pression considérable sur le personnel, mais surtout sur les gestionnaires responsables du projet.

Prenons par exemple un arrêt des opérations à la raffinerie Jean-Gauvin, qui répond à 70 % de la demande de pétrole au Québec, réalisé en avril 2018 et d’une durée de 60 jours.

Au total, ce sont 1 400 travailleurs qui ont été monopolisés pendant deux mois, sept jours par semaine, 24 heures par jour.

« On a planifié cet arrêt depuis presque deux ans. Il y a une séquence ordonnée que l’on doit respecter. Lorsqu’on arrête la raffinerie, il faut dépressuriser nos équipements en utilisant notre torchère. On ne peut pas tous les dépressuriser en même temps. Il faut respecter les capacités de dépressurisation, tout en protégeant nos équipements », rapporte Martine Péloquin, vice-présidente et directrice générale de la raffinerie.

Ainsi, la planification d’un arrêt majeur se fait en plusieurs phases et implique de nombreux livrables selon la phase, la nature des opérations ainsi que les équipements touchés et la taille de l’évènement, tels que :

  • le développement d’une structure de découpage (ou work breakdown structure) ;
  • l’évaluation de la portée des travaux sur des centaines de lots et des milliers d’activités ;
  • l’estimation des efforts par corps de métier et des coûts associés à chaque poste budgétaire ;
  • la planification détaillée de chaque activité prévue dans la portée des travaux ;
  • un rapport journalier comptabilisant la valeur acquise (intégrant la planification, l’estimation, et le contrôle de coûts).

La qualité de chaque livrable aura donc un impact majeur sur le succès de l’arrêt planifié.

Depuis 2012, nous avons participé à la planification de plusieurs arrêts majeurs pour des clients du secteur industriel.

Nos conseillers-experts ont accompagné nos clients pour la planification, l’estimation et le contrôle des coûts de leurs projets. Nous avons identifié des aspects de l’arrêt planifié pouvant être optimisés pour en limiter les impacts et assurer le respect de l’échéance et des coûts.

Cinq éléments à prendre en compte pour augmenter significativement les performances d’un arrêt des opérations

Pour assurer le succès de votre prochain arrêt des opérations, nous vous suggérons d’adopter la méthode du gain marginal.

La meilleure démonstration de cette méthode est sans contredit celle de l’équipe nationale de cyclisme britannique. En 2003, la direction de l’équipe nationale engage Dave Brailsford pour le poste de directeur de la performance. Le défi à relever est important. Depuis 1908, la Grande-Bretagne a remporté une seule médaille olympique en cyclisme. En 110 ans de Tour de France, aucun cycliste britannique n’a remporté l’événement.

Cinq ans après l’arrivée de Brailsford, l’équipe cycliste britannique domine les épreuves de cyclisme sur route et sur piste aux Jeux olympiques de Beijing de 2008, remportant 60 % des médailles d’or. Quatre ans plus tard, lors des Jeux olympiques de Londres, les Britanniques ont fracassé neuf records olympiques et sept records du monde.

La même année, Bradley Wiggins est devenu le premier cycliste britannique à remporter le Tour de France. L’année suivante, son coéquipier Chris Froome remporte la course. Il la remporte de nouveau en 2015, 2016 et 2017, donnant à l’équipe britannique cinq victoires au Tour de France en six ans.

Selon l’entraîneur Dave Brailsford, ces réussites sont attribuables à la méthode du gain marginal.

Sa philosophie : découper tous les éléments qui constituent une course de cyclisme et améliorer chacun de ces éléments d’un pourcent. En accumulant les 1 %, l’impact sur les performances est énorme.

Voici des exemples des petits changements qui ont mené à des gains performance de 1 % :

  • les sièges de vélo sont redessinés pour les rendre plus confortables ;
  • de l’alcool est frotté sur les pneus pour augmenter l’adhérence ;
  • différents tissus sont testés en soufflerie pour déterminer les combinaisons les plus légères et aérodynamiques ;
  • un chirurgien enseigne aux cyclistes le lavage des mains pour réduire les risques d’attraper un virus ;
  • l’intérieur du camion d’équipe est peint en blanc pour repérer les petites saletés qui peuvent dégrader les performances des vélos ;
  • etc.

Vous désirez augmenter la performance de votre prochain arrêt des opérations ? Concentrez-vous sur certains éléments et faites de petites améliorations qui auront de gros impacts.

1.Assurer la sécurité des travailleurs

La majorité des donneurs d’ouvrages ont établi un objectif « zéro tolérance » concernant la santé et la sécurité au travail (SST). Outre le respect des budgets, de l’échéancier et de la portée des travaux, éviter ou limiter le nombre d’incidents et d’accidents est donc l’un des principaux objectifs des projets majeurs en contexte industriel.

Cet objectif a des conséquences directes sur la planification d’un arrêt des opérations. Par exemple, le délai pour réaliser chaque tâche (et la productivité des travailleurs en général) doit tenir compte en premier lieu des mesures de sécurité en vigueur dans l’organisation et du temps nécessaire pour réaliser les Analyses Sécuritaires des Tâches (AST). Les activités doivent être réalisées le plus efficacement, tout en maintenant des standards élevés de sécurité.

Certaines normes de sécurité peuvent avoir un impact direct sur les coûts sans impacter les délais (Nouvelle norme sur les équipements de protection individuelle – EPI) alors que d’autres peuvent avoir un impact sur les délais ET sur les coûts (AST).

Comment faire des gains lors de votre prochain arrêt des opérations ?

Évaluez de manière précise le temps ainsi que les budgets consacrés à la pratique de travail sécuritaire. Bien qu’incontournables, ces données sont souvent négligées dans la phase de planification. La connaissance du Code de sécurité pour les travaux de construction est donc requise des ressources participant à la planification d’un arrêt.

Par ailleurs, les processus exigeants en matière de SST de certains de nos clients obligent les travailleurs à effectuer une analyse sécuritaire de la tâche (AST).  Cette analyse est réalisée avant chaque quart de travail, ainsi que suite à tout changement aux conditions initiales du travail.

Il faut donc budgéter ces procédures qui ont un coût, mais qui préviennent des accidents pouvant être fatals.

2.Identifier tous les intervenants lors de la planification

Selon notre expérience, la planification doit être réalisée en coopération avec les équipes des opérations, de procédé, d’ingénierie, de construction et d’inspection. Ce sont ces derniers qui déterminent la portée des travaux et la stratégie de réalisation du projet.

Cette portée se développe en une structure de découpage détaillée, structurée par exemple par unité, par équipement et par corps de métier. Au fur et à mesure que la portée se définit, d’autres intervenants participent à la quantification de la durée, les heures/personnes et les coûts ; ces intervenants sont les entrepreneurs qui réaliseront les travaux, les consultants spécialisés, les fournisseurs et les spécialistes.

Le rôle des professionnels en contrôle de projets est de consolider et de vérifier toutes ces informations, de déterminer le cheminement critique de l’échéancier et de développer un système intégré de contrôle de projets (échéancier, coûts et gestion des changements) qui permettra un suivi du projet (système informatique, codification, etc.) et une reddition de compte efficients et efficaces.

Selon Gilles Morel, directeur, Carburants à l’Association canadienne des carburants, « La planification représente souvent l’aspect le plus important d’un arrêt planifié réussi. C’est à ce stade qu’on détermine l’envergure des travaux, qu’on finalise les plans et dessins d’ingénierie et qu’on procède à l’acquisition de matériel, à la préfabrication et à la préparation du site ».

Comment faire des gains lors de votre prochain arrêt des opérations ?

Pour améliorer votre performance à l’étape de la planification, assurez-vous de faire la liste complète de toute personne pouvant être touchée de près ou de loin par l’arrêt des opérations.

Dès le début de la planification de l’arrêt, il faut impliquer chacune de ces personnes pour faire une évaluation la plus juste possible. Cette démarche permet d’assurer, par exemple, que les matériaux et les ressources nécessaires seront disponibles au moment opportun à chaque étape de l’arrêt, économisant ainsi de précieuses minutes ou heures à chaque étape du projet.

En plus des personnes responsables des opérations directement touchées par l’arrêt, il faut également s’assurer de la collaboration des chargés de projet, des personnes responsables des inspections, de l’ingénierie et de la planification.

Les arrêts majeurs se transforment souvent en projets multidisciplinaires impliquant de nombreux corps de métier : chaudronniers, tuyauteurs, électriciens, techniciens en instrumentation, spécialistes en isolation, mécaniciens-monteurs, etc.

Une entrevue méticuleuse vous permettra d’évaluer correctement les impacts sur les ressources humaines. Par exemple, la courbe d’apprentissage des ouvriers sera compressée au maximum dans un temps réduit. Le personnel de supervision ainsi que les ingénieurs devront aussi travailler de concert, et ce dans une grande proximité avec les travailleurs du chantier.

Les fabricants ou les fournisseurs de l’équipement devant être remplacé ou entretenu lors de l’arrêt des opérations devraient également être appelés à coopérer lors de la phase de planification. Les procédures établies suivront ainsi les recommandations du fabricant, ce qui garantit la sécurité du fonctionnement de l’équipement.

Finalement, ces entrevues réalisées lors de la planification permettent de minimiser les imprévus lors de l’exécution. Une planification détaillée et réalisée en collaboration avec le personnel élargi de l’organisation permet d’identifier et de minimiser les risques pouvant avoir un impact sur le projet.

3. Identifier proactivement les risques, leurs impacts et les moyens de mitigation

Comme mentionné précédemment, la planification est essentielle pour identifier, prévenir et minimiser les risques. C’est pourquoi il est important d’aborder la gestion des risques de manière proactive.

Comment faire des gains lors de votre prochain arrêt des opérations ?

Une façon simple, mais importante d’améliorer la performance de l’arrêt est d’évaluer les risques que celui-ci peut engendrer sur d’autres secteurs de l’usine ou de la raffinerie. Par exemple, l’encombrement des aires de travail liées aux travaux peut ralentir ou carrément empêcher les opérations d’autres secteurs n’étant pas touchés directement par l’arrêt.

Il est également important d’identifier tout élément ou risque potentiel pouvant avoir une incidence sur tous les quarts de travail, les heures supplémentaires ou l’efficacité du chantier. Une seule journée de plus peut avoir des impacts financiers majeurs se chiffrant souvent en centaines de milliers de dollars.

4. Utiliser les bons outils d’analyse de données

Le respect de l’échéancier demeure toujours l’un des aspects critiques d’un arrêt des opérations. La planification des activités doit optimiser la fenêtre de temps de l’arrêt pour accomplir un maximum de tâches pouvant être réalisées uniquement en temps d’arrêt.

Tous les travaux nécessaires à l’arrêt, mais pouvant être effectués avant celui-ci, seront donc planifiés en amont et précéderont le début de la mise hors service de l’unité ou de l’usine. La séquence de réalisation des activités doit donc être analysée de manière approfondie.

Il s’agit d’une tâche complexe puisqu’une quantité importante d’heures-personnes doit être prise en compte, et ce, pour une courte durée. Pour ce faire, un arrimage doit être effectué entre l’estimation, la planification et le contrôle de coût.

Comment faire des gains lors de votre prochain arrêt des opérations ?

En fonction de la phase du projet, la fréquence des activités de contrôle des projets d’arrêt varie. Si, en début de projet, le contrôle des indicateurs clés se fait généralement sur une base mensuelle, celui-ci se resserre rapidement à une base hebdomadaire dans les mois qui précèdent l’arrêt, pour passer à un suivi journalier des indicateurs lors de la période de l’arrêt proprement dite.

Certains outils informatiques peuvent être développés sur mesure pour faciliter le suivi des indicateurs ainsi que l’analyse des données. Par exemple, notre équipe a élaboré pour de tels projets un outil informatique permettant d’intégrer en temps réel la panoplie de données générées quotidiennement durant l’arrêt pour présenter un tableau des indicateurs clés.

Certains indicateurs clés, tels que la valeur acquise ou “Earned value” en anglais, sont primordiaux au bon suivi du projet. Sans entrer dans les détails, la compilation des heures réelles codifiées avec minutie selon la structure de découpage de projet (SDP) versus les heures planifiées permet d’obtenir l’indice de performance de coûts (IPC). On peut ainsi évaluer la productivité réelle versus celle prévue. La compilation des heures planifiées versus les heures acquises permet de mesurer l’indice de performance de délais (IPD) et donc l’avancement réel des travaux.

De plus, il ne faut pas oublier de mesurer les coûts par heure travaillée et les prévisions des heures à venir pour déterminer les prévisions des heures. Le contrôle se fait sur les travaux directs, mais également sur les coûts indirects. S’ils ne sont pas ou mal contrôlés, ces coûts indirects peuvent avoir un impact considérable sur le respect ou non des coûts de projet.

Bien que simple en théorie, l’application de ces notions pour permettre aux décideurs dans le contexte d’un arrêt majeur d’avoir accès à un tableau de qualité est complexe. D’où l’importance de mettre en place des systèmes de suivi efficaces.

5. Améliorer le degré de précision de l’estimation des coûts

La précision et la qualité de la planification ont un impact majeur sur la réussite d’un arrêt des opérations.

Si la planification est essentielle, sa pertinence est grandement influencée par son degré de précision. Ainsi, une simple amélioration dans les unités de mesure peut avoir un impact important. Par exemple, la planification des opérations doit être réalisée non pas en jours, mais plutôt en heures.

De plus, l’estimé du maximum d’heures pour réaliser les « travaux en arrêts »; en lien avec la constructibilité, la stratégie et la supervision, n’est pas toujours énoncé clairement dans la phase de planification. Il n’est donc pas rare que les estimations de coûts soient sous-estimées.

Comment faire des gains lors de votre prochain arrêt des opérations ?

La précision des nombreux documents utilisés dans les projets d’arrêt des opérations doit également être assurée de manière rigoureuse. La marge d’erreur de l’estimation sera grandement influencée par le degré de précision de toutes les sources d’informations : plans, fiches techniques, croquis, devis, etc.

Conclusion

Pour améliorer vos performances lors de votre prochain arrêt des opérations, évaluez quelles sont les petites améliorations que vous pouvez apporter dans les domaines suivants :

  • Sécurité des travailleurs ;
  • Collaboration de tous les intervenants ;
  • Identification des risques ;
  • Optimisation de la fenêtre de temps ;
  • Degré de précision de l’estimation.
Autres Articles
Projets miniers : L'entente à prix maximum garanti (PMG) est-elle vraiment la meilleure solution?
5 méthodes pour résoudre les différends en construction